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jeudi 4 septembre 2008

Le lien guerre / médias


Comme à chaque nouveau conflit, le lien entre les médias et la guerre est attentivement examiné. Vecteurs possibles de propagande (on retiendra ici le célèbre exemple de Niazov, l'ancien Président du Turkménistan), les médias peuvent, à l'opposé, être critiqués pour une trop grande liberté de paroles et d'images. Le mois d'août 2008 en a été une preuve flagrante, relançant ce débat, avec d'une part les 10 soldats français morts dans une embuscade en Afghanistan, et d'autre part le déclenchement de la guerre en Ossétie du Sud. Ces débats m'ont déjà inspiré un commentaire sur les images diffusées dans les médias sur la ville de Mitrovica, depuis l'arrêt du conflit du Kosovo. Les mots et les images proposés par nos médias ont un sens et "formatent" l'appréhension que nous avons des relations internationales, tout particulièrement dans des cas de violence exacerbée. Les médias ont un rôle indéniable qui a été analysé à de nombreuses reprises. Il ne s'agit pas ici d'être exhaustifs, mais de présenter quelques pistes de réflexion sur le lien entre médias et géographie politique. Si la guerre du Golfe a été l'occasion de nombreux travaux sur le lien entre médias et déontologie, sur l'analyse de la "guerre en direct" et ses limites, la question des médias comme vecteurs de tensions ou acteurs de la paix se pose plus que jamais. La question n'est pas seulement de savoir si les médias ont accès à toutes les informations, comme ce fut le cas pour la guerre du Golfe, mais également de savoir si à travers leur sélection d'images, ils ne conditionnent pas une perception pré-établie des conflits. Malgré la neutralité déontologique et la liberté de la presse dans nos pays (pas toujours établie, mais en supposant qu'elle le soit, les problèmes ne sont pas pour autant résolus !), il ne faut pas oublier qu'une vidéo télévisée ou une galerie de photographies est, comme tout document produit par l'homme (notamment en cartographie), l'illustration d'un message, d'une vision, d'une lecture particulière des événements.




"L'opinion, ça se travaille"

Dominique Vidal parle d'une "émotion enrôlée" dans le cas de la guerre du Kosovo (L'Humanité, 2 juin 2000). Ces termes forts ont été le point de départ du livre qu'il a co-écrit avec Serge Halimi : "L'opinion, ça se travaille..." Les médias & les "guerres justes". Du Kosovo à l'Afghanistan (2000, Editions Agone, Marseille, 153 pages). La guerre du Kosovo a été l'objet de nombreuses réflexions sur le lien entre des médias qui s'arguaient de prendre des distances avec les rapports officiels, et les impacts concrets de leurs images et des mots qui leur étaient associés. Pour Vidal et Halimi, "l'émotion a submergé les téléspectateurs au point d'endormir à la fois prudence et sens critique" (op. cit., p. 6). Rappel sur nos télévisions et nos journaux : les Français découvraient des images de réfugiés quittant le Kosovo, fuyant "l'oppresseur serbe", avec d'autant plus de vigueur que les souvenirs de la guerre de Bosnie-Herzégovine et de ses 4 années d'exactions étaient encore marqués dans les esprits. L'opinion publique s'est vue submergée par une presse dénonçant les rapports de l'OTAN, montrant des drames familiaux et des camps de réfugiés pleins. La liberté de la presse a certes été respectée, contrairement au traitement médiatique de la guerre du Golfe. Pourtant, les médias n'ont pas été à l'abri des critiques face à leur traitement de l'information lors de ce conflit. La principale est d'avoir participé au processus de diabolisation de Milosevic, et donc d'avoir consacré le peuple serbe comme "le méchant" (s'appuyant là sur un discours médiatique déjà ancré lors de la guerre de Bosnie-Herzégovine). Les conséquences se perçoivent aujourd'hui : les Serbes de Bosnie n'ont pas bénéficié de l'aide humanitaire internationale consacrée à l'effort de reconstruction, contrairement aux Bosniaques et aux Croates. Les différences entre la Fédération croato-bosniaque et la Republika Srprska frappent aujourd'hui le regard de tout promeneur par leur contraste en termes de développement et de conditions de vie. Or, l'Histoire a démontré combien il est dangereux de diaboliser un peuple et de faire un amalgame entre la population et quelques-uns de ses dirigeants, notamment dans le risque de radicalisation de cette même population à force d'être montrée comme "l'ennemi" !



Manipulation et silences des médias

Force est de constater que les médias n'ont pas toujours accès à la liberté de parole ou à des informations fiables, tout particulièrement dans le cas sensible de conflits ouverts. L'exemple des médias russes dans le traitement de la guerre d'Ossétie du Sud est à cet égard frappant. La liberté de la presse n'est pas respectée dans tous les pays du monde, et les médias extérieurs n'ont pas toujours accès au "terrain". Ce point est établi, personne ne le conteste. Néanmoins, les médias ont leur part dans le traitement de l'information : les Russes sont par exemple choqués de la façon dont les médias occidentaux ont présenté, avec parti pris à leur égard, leur participation dans la guerre d'Ossétie du Sud. Les "silences" des médias sont aussi intéressants. Bien évidemment, les médias doivent vendre, c'est leur raison d'exister pour pouvoir continuer à diffuser l'information. Et ce qui se vend le plus, reste le sensationnel. L'opinion publique a donc indirectement contribué, par son attrait pour le sensationnel, à développer des médias qui favoriseront des photos "choc", quitte à tronquer et formater la perception des événements. Le cas de l'Afghanistan nous l'a encore démontré ces derniers jours : la mort de 10 militaires français dans une embuscade à 50 km de Kaboul a été surmédiatisée (depuis les 1ères images jusqu'à la détresse des proches). Pourtant, qu'a-t-on réellement appris de ce qui se passait en Afghanistan depuis le début de cette intervention ? On voit des images "choc", on entend parler de débat politique sur la présence française dans ce pays, mais force est de constater que l'on nous parle de l'Afghanistan que lors d'événements dramatiques. Il ne s'agit absolument de sous-estimer le drame qui est arrivé, ou même tous ceux qui ont déjà été oubliés (comme noyés dans les événements), mais de montrer que les médias sélectionnent les informations et passent sous silence de nombreux points qui concernent ce pays (par exemple, on n'entend parler des ONG en Afghanistan qu lors d'enlèvements de l'un de leurs membres), et qu'il faut avoir un regard critique, un recul vis-à-vis de ces événements. De nombreuses tensions géopolitiques sont nées dans l'oubli des médias, avant d'aboutir à des massacres, devenus plus médiatiques (pensons au Darfour, longtemps laissé à l'oubli, malgré la mise en place d'un nettoyage ethnique).



N'oublions pas notre sens critique vis-à-vis d'images visant à toucher notre sensibilité (et de ce fait à "consommer" tel ou tel média plutôt que le concurrent) ! Quelques sites qui peuvent contribuer à confronter les informations médiatiques à votre sens critique :

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