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jeudi 6 novembre 2008

La géographie en poster (2) : Des territoires en conflit


Suite de la présentation et des réflexions autour de posters présentés au FIG 2008 sur le thème "Entre guerres et conflits : la planète sous tension". De nombreux posters se sont attardés sur les conséquences des guerres, notamment sur les populations, leurs déplacements et leurs conditions de vie dans des territoires sous tension.



Entre guerre et paix : territoires et politique au Liban

La paix est fragile au Liban, d'une part à cause des menaces extérieures (Israël et Syrie), et d'autre part à cause des tensions internes (lignes de fracture Est/Ouest entre Chrétiens et Musulmans, et Nord/Sud entre riches et pauvres). Le poster "Entre guerre et paix : territoires et politique au liban", présenté par le Master Systèmes d'Information et Informations Géographiques pour la Gestion et la Gouvernance des Territoires de l'Université Montpellier III, propose une illustration de la géographie du politique au Liban. Le fonctionnement du système politique et la représentativité des différentes communautés ont été des facteurs de tensions entre Chrétiens et Musulmans avant le déclenchement de la guerre civile. En effet, la Constitution libanaise prévoyait un quota de postes dans la haute fonction publique (postes ministériels, militaires, administratifs...) afin de préserver la représentation de toutes les communautés dans le système politique et dans les emplois de fonctionnaires. Ces quotas ont été calculés en fonction de la part proportionnelle des différentes communautés au moment de l'élaboration de la Constitution. Mais, derrière ce pluralisme, se cache d'ores et déjà un problème majeur : la Constitution libanaise n'a pas prévu de faire évoluer les parts proportionnelles des postes par communautés. Le système est complètement figé. Si les communautés étaient représentées en fonction de leur part proportionnelle dans la population, elles n'ont pas eu le même comportement démographique : les rapports se sont inversés, les Chrétiens sont devenus minoritaires, tandis que la part des Musulmans ne cessait de s'accentuer. Le système politique, voulu comme un acte de tolérance et de préservation de ce "vivre ensemble", est devenu un problème central et une source de tensions entre les communautés. Les tensions entre les communautés ne sont pas le fait d'une intolérance religieuse, mais avant tout le fait de perceptions d'injustice socio-spatiale quant à la place de chacun dans la société libanaise. Entre 1975 et 1990, le Liban a été déchiré par plusieurs guerres simultanées : une guerre civile et des guerres étrangères (Syrie, Israël). Le poster analyse les impacts territoriaux des tensions politiques internes et leurs répercussions dans l'appropriation de l'espace : "le communautarisme a un fort impact territorial. Il a institutionnalisé la partition des territoires sur une base confessionnelle. En effet, les communautés s'approprient et marquent les territoires. De ce fait, les Cazas (cantons) sont répartis entre ces communautés. La guerre civile a été l'occasion pour les milices communautaires d'homogénéiser par massacres et déplacements forcés leurs territoires". Il illustre bien combien la violence des milices et la peur de se retrouver dans un quartier en situation de minorité ont accentué le regroupement communautaire, le repli sur soi. Ainsi, les territoires des combattants ont ancré des lignes de fracture entre les quartiers-territoires, et ont accentué leur homogénéisation au fur et à mesure de la guerre. L'analyse est centrée sur la cas de la ville de Beyrouth, capitale macrocéphalique. On peut regretter que le poster s'appuie sur les impacts de cet entre-soi communautaire sans prendre en compte le renforcement de la ligne de fracture sociale entre un Beyrouth nord aisé et un Beyrouth sud paupérisé et délaissé par les efforts de reconstruction. La poursuite des tensions au-delà de la guerre doit être analysée selon ce critère de marginalisation d'une banlieue sud qui se radicalise politiquement.



Les Comores : entre ruptures et unité, le combat d'un archipel

Les Comores forment un archipel d'îles (1862 km²) situées au Sud-Est de l'Afrique, à l'Est de la Tanzanie et au Nord-Ouest de Madagascar. On y trouve :
  • l'Union des Comores, un Etat indépendant (690.000 habitants), composé de 3 îles : la Grande Comore (1148 km²), Moheli (290 km²) et Anjoun (424 km²),
  • l'île de Mayotte, une collectivité territoriale d'outre-mer française.

Le 6 juillet 1975, le président Ahmed Abdallah
proclama unilatéralement l'indépendance à Moroni -Grande-Comore. En 1976, un référendum se déroule à Mayotte qui reste française. L'Union des Comores revendique l'île de Mayotte depuis son indépendance en 1975. Depuis cette date, l'Etat est soumis à une forte instabilité (une vingtaine de coups d'Etat ou de tentatives de coups d'Etat). Depuis 1997, les îles d'Anjouan et de Mohéli ont des revendications sécessionnistes. En 1997, la situation a été particulièrement chaotique et violente dans l'archipel : en août, les habitants des 2 îles s'insurgent contre l'autorité de la capitale Moroni (dans l'île de Grande-Comorre) et demandent à être rattachées à la France (qui n'a pas soutenu cette insurrection et cette revendication de rattachement). Les 2 îles font alors sécession et proclament leurs indépendances. Des pourparlers sont ensuite tenus à Madagascar, sous l'égide de l'OUA (Organisation de l'Unité africaine). Un accord de paix est signé en avril 1999, qui prévoit la transformation de l'Etat en fédération, chacune des 3 îles possèdant son propre parlement, et assurant la présidence par alternance tous les 3 ans. L'accord de paix n'a jamais été appliqué, du fait du coup d'Etat du 30 avril 1999. La Constitution créant ainsi l'Union des Comores est adoptée le 23 décembre 2001, suite à un référendum qui met fin à la République Fédérale Islamique des Comores et la remplace par une fédération qui accorde aux 3 îles une grande autonomie avec présidence tournante (accord-cadre de réconciliation nationale). La situation aux Comores n'en est pas pour autant stabilisée. Les tensions entre les partis politiques (pour ou contre une plus grande autonomie des 3 îles) se sont faites de plus en plus oppressantes à l'approche des élections présidentielles de juin 2007. De nouvelles tentatives de coups d'Etat ont déstabilisé l'Union des Comores. Cette instabilité chronique a des conséquences sur le développement de l'archipel : les 3 îles de l'Union des Comores souffre de la corruption, de la dégradation des infrastructures, de difficultés économiques profondes... De plus, à Mayotte, le niveau de vie est environ 5 fois plus élevé que dans les 3 îles, ce qui pose le problème d'une forte migration clandestine vers l'île française (cette pression migratoire se fait particulièrement sentir entre Anjouan et Mayotte). Le poster "Les Comores : entre ruptures et unité, le combat d'un archipel", également présenté par le Master Systèmes d'Information et Informations Géographiques pour la Gestion et la Gouvernance des Territoires de l'Université Montpellier III, éclaire ces différents aspects en appuyant sur le contexte géohistorique. La présentation du poster est particulièrement démonstrative, puisqu'elle permet d'appréhender à la fois le contexte historique (indépendance, revendications sécessionnistes, cas particulier de Mayotte), les atouts et contraintes de chacune des 4 îles, les enjeux géostratégiques de l'archipel à la fois en termes d'unité, de politique, de migrations, de piraterie maritime... L'originalité du poster vient également de l'analyse des "solutions", pensées sous l'éclairage d'un développement durable, comme voie de la stabilisation (économique, sociale, migratoire...) et de la sécurisation (politique, alimentaire, sanitaire, anti-piraterie, anti-corruption...)



Hébron (Palestine) : les échelons de la géopolitique

Autre poster présenté par le Master Systèmes d'Information et Informations Géographiques pour la Gestion et la Gouvernance des Territoires de l'Université Montpellier III, "Hébron (Palestine) : les échelons de la géopolitique" propose une analyse des outils de la géopolitique appliqués au cas de la ville palestinienne Hébron. Les enjeux géopolitiques sont ici présentés à plusieurs échelles : celle du territoire Israël-Palestine, et celle de la ville (enjeux pour la population israélienne et enjeux pour la population palestinienne). Si l'analyse sur Israël/Palestine se concentre le plus souvent sur les relations conflictuelles entre 2 populations et leur lutte pour l'appropriation d'un même territoire, le poster reflète ici l'originalité de l'analyse géographique à travers le jeu d'échelles. Les tensions ne concernent pas seulement un Etat israélien et une communauté palestinienne qui tente de s'affirmer comme Etat, la question du "vivre", de l' "habiter" est un plein coeur de ces rivalités, à la fois comme facteur et comme conséquence. L'espace est ici conçu comme un enjeu entre les 2 communautés qui tentent de se l'approprier ou d'empêcher l' "Autre" de se l'approprier. Les stratégies territoriales sont complexes et elles sont surtout le fruit d'une volonté d'empêcher l'existence d'un Etat palestinien (comme l'a démontré le géographe Jacques Lévy). Le poster nous entraîne dans les réalités quotidiennes d'une ville disputée et représentée différentiellement en fonction des communautés. Il illustre particulièrement les rivalités de pouvoir et les différentes représentations qui définissent la géopolitique (selon la définition du géographe Yves Lacoste) au coeur d'une ville. L'intérêt de cette cartographie est de montrer combien l'espace pratiqué des 2 communautés est "conditionné" par des politiques de la ville et des motivations politiques différenciées. L'implantation de territoires militaires (check-points, zones militaires), les restrictions d'usage des infrastructures de transport et les murs sont autant de barrières physiques (militaires, policières, bâties) et psychologiques (perçues et vécues) qui séparent les populations et fractionnent la ville.


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