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samedi 2 mai 2009

Les espaces de la mort à Mitrovica


Voici le power-point présenté lors de la 7ème journée de la géographie (organisée par l'Université Bordeaux III et l'Association DocGéo) le 7 avril 2009, dont le thème était "Les espaces de la mort, les morts dans l'espace".





Mitrovica est une ville divisée par la ligne de fractures qui sépare les aires de peuplement majoritairement serbe au Nord du Kosovo et majoritairement albanais au Sud. Cette ville est devenue un géosymbole de la division et de la haine intercommunautaires qui déchire ce pays nouvellement indépendant. Haut-lieu de tensions, la ville de Mitrovica est régulièrement déchirée par de nouvelles violences. Si le pont Ouest est le géosymbole le plus médiatisé, les enjeux liés à l’identité, la mémoire des lieux et la lutte intercommunautaire ne se limitent pas à ce lieu. Les espaces de la mort sont souvent peu analysés dans cette perspective. Pourtant, ils recouvrent plusieurs problématiques tant par leur localisation que leur symbolique.


La guerre du Kosovo a entraîné des violences entre les communautés, particulièrement violentes dans la ville de Mitrovica. Le traitement des corps peut être analysé au regard de l’appartenance communauté et du lieu de la mort. Certains ont pu recevoir une sépulture en fonction du lieu où est intervenu leur décès, tandis que d’autres corps sont devenus de véritables armes dans lesquelles étaient cachées des mines. Dans l’immédiat après-guerre, on peut analyser la possibilité pour les familles d’enterrer ou non leurs proches comme un facteur supplémentaire de tensions entre les communautés. De plus, les lieux destinés à accueillir les morts sont devenus de véritables lieux de mémoire, destinés à montrer à « l’Autre » le poids des tensions encore existantes dans la ville.


Fruits de la longue histoire du peuplement, les autres lieux de la mort, notamment les cimetières, sont l’objet de pratiques spatiales qui vont à l’encontre de l’enfermement communautaire des populations de Mitrovica. Cette ville est divisée par la rivière Ibar, qui marque la limite entre des espaces clos : un quartier majoritairement serbe au Nord, un quartier quasi exclusivement albanais au Sud, et quelques poches de minorités. Traverser le pont, réel symbole de la division des communautés, n’est pas anodin : si le pont semble d’emblée être un lieu de l’échange et du passage par excellence, le pont de Mitrovica est devenu un point de tension, une frontière mentale, qu’il faut traverser pour atteindre les cimetières. Ce passage est devenu un symbole du rejet de « l’Autre ». On peut également analyser le recueil des familles dans les cimetières en termes de sécurité.


Les lieux d’enterrement ne concordent pas avec la répartition actuelle des populations, mais l’on assiste à une réappropriation de l’extrême-Nord de la ville par les Albanais. Les territorialisations de la ville sont donc affectées par des stratégies identitaires qui s’appuient à la fois sur une distanciation volontaire de « l’Autre » et sur la protection de lieux identifiés comme porteurs de l’identité communautaire. Les espaces de la mort prennent alors une autre perspective, dans la mesure où il ne s’agit plus de pouvoir se rendre dans ces lieux de recueillement, mais de les intégrer dans la lutte identitaire qui oppose les Serbes et les Albanais. La sacralisation des cimetières albanais entre dans les logiques d’appropriation de territoires dans la ville par les deux communautés majoritaires. Les lieux de la mort n’ont pas seulement pour fonction d’être le lieu de destination des morts, mais bouleversent les représentations quant à l’identité des territoires urbains. Les cimetières sont des lieux qui font partie des logiques de recomposition territoriale et identitaire de l’après-guerre.


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