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samedi 7 janvier 2012

Sarajevo : l'âme d'une ville se cache aussi dans ses lieux ordinaires

Voici le courrier des lecteurs publié dans le n°4 de la revue Guerres & Histoire, en réponse à l'article "Sarajevo 1993, les snipers dans le viseur" (entretien réalisé par Pierre Grumberg avec le Colonel Michel Goya : voir des extraits dans le billet "Géographie vécue : Sarajevo et la lutte anti-sniper par le Colonel Goya"). Il revient sur la représentation de la ville en guerre perçue par les militaires qui y sont déployés et sur les intentionnalités des acteurs de la guerre quant à la destruction choisie des lieux "ordinaires", détournement du "génie des lieux", pour produire un paysage de la haine.

Michel GOYA, "Sarajevo 1993, les snipers dans le viseur",
entretien réalisé par Pierre GRUMBERG, Guerres & Histoire, n°3, 2011, pp. 6-13.


"Dans l'entretien avec le colonel Michel Goya, il est particulièrement intéressant de lire la perception qu'avaient les militaires français des tirs des différents snipers. A ce sujet, il est important de préciser que les autorités serbes qui ont déclenché cette guerre voulaient faire de Sarajevo la capitale d'un État serbe de Bosnie : il ne s'agissait pas pour eux d'anéantir la ville, mais de détruire les symboles de sa multiculturalité. Si les militaires français ont ressenti que les tirs d'obus étaient "tirés au hasard, du harcèlement pur et simple", il se cachait en réalité derrière ces tirs une destruction orchestrée de lieux "ordinaires" visant à détruire l'urbanité, c'est-à-dire ce qui fait le "vivre ensemble" urbain. Les belligérants n'attaquaient pas seulement les hauts-lieux de l'identité de "l'Autre", mais aussi et tout particulièrement des lieux "ordinaires" : cafés, restaurants et lieux de rencontres quotidiens et de socialisation. Ces lieux "ordinaires" symbolisaient non seulement la proximité des habitants mais surtout leur mixité : ce sont des "géosymboles" de l'entente entre les populations, de la multiculturalité, des mariages mixtes, de l'identité sarajévienne comme identité commune aux habitants qu'elle que soit leur appartenance ethnique (Serbes, Croates, Bosniaques, Juifs, etc.). Cet urbicide, selon le néologisme utilisé par l'architecte et ancien maire de Belgrade Bogdan Bogdanovic, le groupe Warchitecture ou encore par François Chaslin, fut un élément central du nettoyage territorial (plus couramment appelé nettoyage ethnique, mais au final cette modification coercitive du peuplement par la terreur vise à "purifier" le territoire des "indésirables", c'est-à-dire "l'Autre" et ceux qui ont une identité mixte). En détruisant des lieux "ordinaires", ces belligérants créaient également un sentiment d'insécurité, puisque tout lieu "ordinaire" pouvait devenir la cible choisie par les belligérants, ce qui tendait à créer dans l'imaginaire des habitants une perception de la ville comme territoire de l'impossible vivre ensemble..."




Pour aller plus loin sur ces questions :

Sur Sarajevo :


Travaux de photographes sur Sarajevo :


Sur l'urbicide et le nettoyage territorial


Des blogs à suivre :


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