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samedi 21 avril 2012

"Sarajevo: A Street Under Siege" : la rue dans la ville assiégée de Sarajevo

Dans la série des billets sur les 20 ans du siège de Sarajevo, voici un documentaire réalisé par Patrice Barrat et Ademir Kenović qui s'intéresse à la rue dans la guerre, entre combats, bombardements, tirs de snipers, (im)mobilités pour les habitants "ordinaires". "Par rapport aux autres sciences sociales, le géographe a quelque chose de plus à dire sur la rue, dans la mesure où il la considère dans sa dimension spatiale, à différentes échelles. Cette approche s'appuie sur la prise en compte des usagers et des acteurs. En effet, par leurs pratiques et leurs représentations, ils définissent dans l'espace-temps de la rue ; ils la placent au coeur d'un réseau de relations qui la dépassent, de l'échelon du quartier à celui de la ville toute entière" (Antoine Fleury, 2004, "La rue : un objet géographique ?", Tracés, n°5, p. 33). S'intéresser à la rue dans la ville assiégée de Sarajevo participe de la compréhension de la ville en guerre par l'approche géographique. Comme se questionnait la géographe Aurélie Delage dans un article consacré à Beyrouth : "La rue : espace public, quel(s) public(s) ?" (Tracés, n°5, 2004, pp. 61-74).

Source : Sarajevo. A Street Under Siege.


La rue, en tant qu'espace public, pose la question de l'appropriation de la ville : par la violence du siège, la rue devient un espace du danger pour ses usagers. Mais la rue est aussi un espace d'expression (voir le billet "Côte d'Ivoire : des manifestations pour réclamer les résultats des élections aux violences d'après-résultats ?" qui revient sur le rôle de la rue dans la mise en scène de la contestation dans l'espace public avec l'exemple de la ville ivoirienne de Bouaké), notamment celle des résistances au siège, telle celle du célèbre violoncelliste Vedran Smajlović qui joua, tout au long du siège, dans les rues sarajéviennes (pour en savoir plus : voir "Vedran Smajlović, le violoncelliste de Sarajevo", dans le forum du site Dzana.net). C'est aussi l'espace de toutes les solidarités, celles des habitants "ordinaires", tel le fameux chauffeur de taxi sarajévien qui pendant toute la guerre a continué à traverser toute la ville pour prendre des passants et leur permettre de se rendre à leur point de chute sans être victimes des tirs d'obus ou des tirs des snipers. Malgré la violence et la peur, la rue demeure un espace de sociabilité dans ce contexte extrême.

"Au cours d'une de ses terribles journées, l'une des pires, j'ai eu l'impression d'apercevoir une pomme de terre sur la chaussée sur la chaussée. Je me suis penchée, n'arrivant pas à croire que quelqu'un ait pu perdre un tel trésor et j'ai ramassé la pomme de terre à moitié écrasée par le pneu qui lui était passé dessus. Un inconnu qui traversait la rue avait assisté à la scène, il s'est approché et m'a dit :
- Madame, venez demain à midi au Centre de la Communauté juive.
Le lendemain, mon inconnu s'est présenté.
- Je suis Albert Abinun, dénommé Cicko. Je travaille à la cuisine. Veuillez attendre que l'on ait distribué le déjeuner et je verrais ce que je peux faire pour vous.
Tous les jours, le déjeuner une fois distribué, Cicko me donnait tout ce qui restait et, toute heureuse, je courais dans la ville pour apporter aux miens une véritable nourriture. Nada Levy me donnait du lait pour ma petite-fille chaque fois qu'elle en recevait, Ela Kabiljo de quoi habiller la petite. Jamais personne, à la Communauté juive, ne m'a demandé mon nom. Je pense qu'ils n'ont jamais su que j'étais Croate et d'ailleurs peu leur importait.
Sous le feu des snipers, alors que les balles sifflaient de toutes parts, je courais amener de la nourriture à mon frère quand j'ai entendu des freins grincer et ai aperçu un taxi qui s'était arrêté au beau milieu du carrefour.
- Monte vite ou nous allons nous faire tuer tous les deux ! Tu vas où comme ça, espèce de folle, m'a demandé le taxiste une fois que j'ai été installée dans sa voiture ?
- J'ai deux malades à deux différents endroits de la ville, mon frère et ma fille. Je dois leur apporter à manger, ai-je expliqué.
J'ai appris plus tard qu'il s'agissait de Milo Plakalovic, le fameux taxiste serbe qui tout au long du siège de Sarajevo conduisait les gens gratuitement ; ramassait ceux qui avaient été blessés par les obus ou les snipers et les transportait à l'hôpital.
Cet homme m'a pris en charge à chaque fois qu'il m'apercevait et ne m'a jamais demandé mon nom. Il m'amenait parfois chez le boulanger où il allait chercher du pain. Il me faisait toujours cadeau d'un pain entier, tout chaud !
Je n'oublierai jamais l'odeur de ce pain chaud, qui brûlait et réchauffait mes joues tandis que je me hâtais de le ramener aux miens, éternels affamés."
Source : Témoignage de Serafina Lukic (professeur, Sarajevo, octobre 1998), dans Svetlana Broz, 2005, Des gens de bien au temps du mal. Témoignages sur la conflit bosniaque (1992-1995), Lavauzelle, collection Renseignement Histoire & Géopolitique, Paris, pp. 102-103).

C'est pourquoi, ce documentaire, en s'intéressant à une rue dans Sarajevo assiégée, témoigne des quotidiennetés et des spatialités des habitants "ordinaires", et montre le "vivre dans une ville en guerre".

Source : Sarajevo. A Street Under Siege.


Quelques billets de Géographie de la ville en guerre sur la question du "vivre dans une ville en guerre" :




Sarajevo: A Street Under Siege
Daily Documentary Chronicle



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Source de la vidéo : My Century. Your History on Camera.




Présentation sur le site My Century :
"Life continues in a Sarajevo street, despite the snipers and shelling from the hills above. 

In November 1993 BBC2 TV began to broadcast "Sarajevo: A Street Under Siege", a 2-minute film shown every night before the 22.30 Newsnight programme. It was bringing a day-by-day account of how the siege was affecting a group of ordinary citizens. The authors were Ademir Kenovic, a graduate of the Sarajevo Film and Theater Academy, and Patrice Barrat, a director from an independent French production company. The full version of the film was broadcast on BBC2 on 20 March 1994.

Later on in 1994 the film, "Sarajevo: A Street Under Siege", ("Chaque jour pour Sarajevo") received a BAFTA (British Academy Award of Film & TV Arts) award and the Jury Award at the Locarno Film Festival.

Then "Hajduk Veljkova" street, now "Muse Cazima Catic". The street now: http://www.youtube.com/watch?v=Xc5tjWgGatU"



Références complètes du documentaire :
Documentary 120 x 2 minutes
November 8 1993 - March 22 1994 - January 31 1995
The Team: Original concept ­
Director: Patrice Barrat
Producer ­ Director: Ademir Kenovic
Executive Producer: Jean­Pierre Mabille
Other Directors: Ramdane Issaad, Jean­ Jacques Birgé, Serge Gordey, Corinne Godeau, Baudoin Koenig, Philippe Baron, Gonzalo Arijon, José Maldavsky, Frédéric Tonolli, Milenko Uherja
Editors: Ismet Arnautalic, John Bertucci, Gilles Cayatte, Oliver Todorovic, Marion Chataing
Investigators: Menso Arslanovic, Leilah Gotovusa.




Présentation sur le site Bridge Initiative International :
Source : "Sarajevo: A Street Under Siege. 20 years later...", Bridge Initiative International.




Daily Chronicles from November 8 till December 21 1993
Starting on November 8 1993, we produce and transmit by satellite every day around 6pm from the EBU office at the very end of « Sniper Avenue » for BBC 2 only. ARTE, the European channel , says it is keen to join but can’t make a proper décision until Bernard­ Henri Lévy, who serves as Arte’s Board President makes up his mind. What he does want is to have our team produce a daily « Carte Blanche » in Sarajevo with himself and some of his Writer’s friends in Europe. The people of Hadjuk Velkova Street seem of no interest to him. Finally, after one month and around 5 meetings at the Café de Flore or at his home nearby, I suggest the following : on week days, we continue to follow the life of the people of « our » street, and to work on this with the BBC ; and on Saturday’s, we would indeed produce with our Saga friends, a « Carte Blanche » with a European Writer travelling to Sarajevo. In addition, claims BHL, those Writers will have to write a piece which will appear in a series of newspapers in Europe, coordinated by Reporters Sans Frontières.

Daily Chronicles from December 22 1993 till February 5 1994
It was on February 5 1994 that a shell fell on Markale’s market place, killing 68 people and wounding 144 others. Amongst the victims, was Hajrija Orucevic, a women in her fourties who was living very close to market on Hadjuk Velkova Street, building n°17 on the 5th floor, practising as a Dentist together with Cefket,her husband, and her daughter. As you can guess , we had been filming her since the very first week in the Street. Our first « story » with her was about who, meaning what nationality or what mixity, was living on each floor of the building. Hajrija had just escaped death : schrapnels had damaged for ever her leather jacket but by some sort 4 of chance, she was not deeply hurt. When the massacre took place, Philippe Baron, who was then filming and directing the short films with Saga’s team, was only 50 meters away. More than any other « Professional », it revealed hard for him to decide whether to film at all or not. Finally, he did so with a lot of awareness and soberness. And then, he had the even harder task to go and visit and film Cefket
February 5 1994 was also a military and political turning point. For the first time, NATO’s and the International Community’s réactions seemed meaningful. The Serb Forces ­ even if they were accusing Bosnian Forces of having thrown the Bomb at their own people, thus betting on some mysterious calculation that this would ultimately serve Bosnian purposes ­, the Bosnian Serb Forces did have to withdraw from the hills.

From February 6 to the end of the Winter, on March 21 1994
In the contract we had signed with Arte to produce this Daily Documentary Chronicle, it said explicitly that we were in this street only for one season, stricto sensu, meaning the Winter. Otherwise, Arte did fear that the series would never end since Peace was not really to be foreseen. After so many days being besieged and the same amount less 580 days being filmed by us, the inhabitants were becoming more and more friendly. Our overall team was composed of 20 people who could replace each other at any moment. The Street seemed to have adopted our family as a natural member. Amongst ourselves, we would talk about our own conditions of living of course – compared to the street inhabitants­ but more often, we would refer to our « classics », meaning the chronicles everybody would keep in mind for ever : the dolls by Gonzalo, the Tree by Philippe, the Blind man by Serge, Building n° 17 by myself, if I may, the Soldier by Baudoin, the Pigeon Man by Ramdane and the Sniper by Jean Jacques with Ademir. That very chronicle was so special that i twas released in many theaters across the world : 2 minutes of Sarajevo before the main film !

SARAJEVO : A STREET UNDER SIEGE... is back in 1995
When, together with Arte, BBC2 decided that the upcoming spring was a good opportunity to abandon the Street as a Daily Program on television, Michael Jackson absolutely committed to going back to the Street sooner or later.

When the following Winter showed up with no peace in view, Michael Jackson felt as if he could keep up to his promise.And he commissioned, like Arte did, a one month Daily Chronicle in « our » street. But one very morning, on December 15, he called me to cancel. He explained that he heard on the radio there had just been a new Ceasefire in Sarajevo and that there was a risk that our short films would not be spectacular enough. The first series had been a « hit », said he, a second series had to « do éven better », meaning get more ratings.

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