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dimanche 29 avril 2012

Vingt ans après, un rescapé des camps témoigne (Le Courrier international)

Dans la série des billets sur les 20 ans du début du siège de Sarajevo et de la guerre de Bosnie-Herzégovine, voici un article de la presse allemande, traduit et proposé par le Courrier international : "Vingt ans après, un rescapé des camp témoigne", qui revient sur l'expérience d'un ancien journaliste bosnien, rescapé du camp d'Omarska (voir des extraits de journaux télévisés en fin de billet), réfugié de guerre qui est revenu s'installer en Bosnie-Herzégovine en 1998 après un exil en Norvège, qui aujourd'hui est confronté dans son quotidien par la matérialité de la Ligne-Frontière Inter-Entités qui fragmente le nouvel Etat en deux entités politiques : la Republika Srpska et la Fédération croato-bosniaque.





BOSNIE-HERZÉGOVINEVingt ans après, un rescapé des camps témoigne

Rescapé du camp de concentration d'Omarska, cet ancien journaliste bosniaque a quitté son exil en Norvège en 1998 pour revenir dans son pays. Domicilié en république serbe de Bosnie (l’une des deux entités qui composent la Bosnie-Herzégovine), il travaille dans la Fédération croato-bosniaque (l'autre entité), et témoigne contre l'oubli.

16.04.2012 | Erich Rathfelder | Die Tageszeitung

Des experts examinent une pile de corps en décomposition extraits d'une fosse commune le 24 juillet 1996, près du village de Pilica, à 300km au nord-est de Sarajevo. AFP PHOTO ODD ANDERSEN
Des experts examinent une pile de corps en décomposition extraits d'une fosse commune le 24 juillet 1996, près du village de Pilica, à 300km au nord-est de Sarajevo. AFP PHOTO ODD ANDERSEN - © AFP
Rezak Hukanovic est un homme qui en impose. Par sa carrure, par son visage buriné, par sa voix grave. Quand il entre dans une pièce, tous les regards se tournent vers lui. Difficile d'imaginer qu'il a un jour été un prisonnier à moitié mort de faim dans le camp d'Omarska.

"Cela fait déjà vingt ans que nos vies ont basculé", se souvient-il. En 1992, Hukanovic est journaliste pour une radio à Pridejor et vit heureux avec sa femme et ses deux fils. Mais tout change du jour au lendemain. Fin avril 1992, les civils et les militaires serbes prennent le pouvoir à Prijedor. Le conseil municipal – élu démocratiquement juste un an auparavant – est dissous et le maire destitué de son mandat. Suit néanmoins une période de calme. 

Tout comme les Croates et les autres musulmans, Hukanovic perd le droit d'exercer son travail. Devant cette situation, il reste pourtant impassible. "Nous pensions que la tempête se calmerait", explique-t-il. En Bosnie-Herzégovine, la cohabitation multiethnique est une longue tradition.
C'est le 30 mai 1992 que tout bascule. Ce jour-là, la ville est envahie par des miliciens serbes qui débarquent pistolets ou kalachnikov à la main. "Ils me forcent à les suivre", raconte Hukanovic. Il ne lui arriverait rien, lui assurent-ils, il ne s'agit que d'un simple contrôle. Une centaine d'hommes sont parqués dans une salle du commissariat de police. Bon nombre d'entre eux sont des connaissances d'Hukanovic, des avocats, des médecins, des fonctionnaires, des responsables municipaux. Les élites musulmane et catholique de la ville sont aussi là. Un par un, les hommes sont emmenés pour un interrogatoire, poursuit Hukanovic. Ils en reviennent le visage en sang.
Arrive ensuite un bus qui les emmène dans un camp situé près de la mine d'Omarska, à une heure de route. Là, une centaine de gardes armés serbes les attendent. A peine arrivés, les prisonniers sont mis en rang et tabassés par les miliciens. Agé de 16 ans, le fils d'Hukanovic subit lui aussi ce traitement pendant plusieurs jours.
Ce n'est pourtant que le début d'un calvaire qui va durer dix semaines. Chaque jour, les prisonniers sont réunis dans une salle et un certain nombre d'entre eux sont appelés. Ceux qui reviennent, souvent, ne sont plus qu'une bouillie de chair et de sang. Bon nombre ne reviennent pas. Hukanovic est lui aussi conduit plusieurs fois à la "maison blanche" comme est dénommé le centre de torture. S'il survit, c'est grâce à sa robuste constitution. "Dieu merci, mon fils aussi", soupire-t-il. Pour ceux qui sont appelés dans la "maison rouge" en revanche, c'est la mort assurée. Hukanovic estime que plus de 3 200 personnes sont mortes à Omarska sous les coups de matraque, de poignard, exécutés par balles ou d'autre manière.
A la fin du mois d'août 1992, les survivants sont déplacés dans d'autres camps avant d'être transférés en Croatie avec l'aide de la Croix-Rouge. Hukanovic et sa famille reçoivent ensuite le statut de réfugiés et sont accueillis en Norvège. Aujourd'hui encore, Hukanovic se demande comment il a fait pour survivre. "Tout ce que je sais, c'est que j'avais besoin d'écrire ce que j'avais sur le cœur", explique-t-il. Intitulé The Tenth Circle of Hell : A Memoir of Live in the Death Camps of Bosnia (Le dixième cercle de l'Enfer..., éd. Ammiel Alcalay), son livre parut en anglais en 1996 avec une préface d'Elie Wiesel, survivant de l'Holocauste et Prix Nobel de la paix. Un témoignage bouleversant.
De retour en 1998, Hukanovic vit aujourd'hui dans son village, près de Prijedor. Depuis la signature des accords de Dayton, en 1995, le territoire – qui comptait quelque 100 000 habitants fait désormais partie de la république serbe de Bosnie. Avant la guerre, il y avait environ autant de Serbes orthodoxes que de Bosniaques musulmans, et 6 % de Croates catholiques.
Hukanovic ne peut plus travailler comme journaliste. Les non-Serbes qui reviennent s'installer au pays n'ont pas la vie facile en république serbe de Bosnie. Si la loi a instauré des quotas, dans les faits, les non-Serbes sont largement sous-représentés dans les médias, les institutions et les entreprises du pays. En revanche, si un Bosniaque voulait ouvrir un commerce, un hôtel ou un restaurant, à Prijedor, il devrait employer au moins 50 % de Serbes.
Rezak Hukanovic est opposé à cette politique ethnique. Il est pour la cohabitation pacifique entre les personnes [en tant qu'individus]. Pour lui, la loi est discriminatoire. "C'est une sorte d'apartheid qui a commencé en avril 1992", explique-t-il. Si lui est revenu en 1998, sa famille vit toujours en Norvège. "Mes fils ont trouvé du travail là-bas. Ils ne viennent que pour me rendre visite", dit-il. Lui aussi fait quelque fois le déplacement en Norvège, mais il ne reste jamais longtemps. "Je ne supporte pas [de partir longtemps]", explique-t-il.  Hukanovic refuse d'abandonner Prijedor. Il s'est refait une nouvelle vie et a ouvert un café qui marche très bien dans la petite ville de Sanski Most, située à une trentaine de kilomètres, dans la Fédération croato-bosniaque. Rezak Hukanovic refuse de céder à la résignation. Et il n'est pas le seul.
Sur cette bande de terre, entre Prijedor et Sanski Most, coule la rivière Sana, particulièrement impétueuse à cette époque de l'année. Les eaux vertes de la rivière, les saules, les fleurs précoces dans les prairies, les bourgeons sur les arbres fruitiers sur cette terre douce et fertile – une diversion bienvenue après les discussions sur le passé. Située à une trentaine de kilomètres à l'est de Prijedor, la mine d'Omarska appartient aujourd'hui au groupe indo-britannique Arcelor-Mittal. Il y a vingt ans, elle était propriété de l'Etat. L'entreprise occupe la "maison blanche" et la "maison rouge", comme si le passé n'avait pas existé. Les personnes extérieures sont interdites d'entrée. Les survivants n'ont jamais reçu l'autorisation de faire installer une plaque commémorative. "Nous nous battons pour un mémorial, explique Hukanovic. Seule une poignée de criminels ont été cités devant la justice. Aujourd'hui, plusieurs condamnés sont revenus s'installer dans la région. Nous ne cherchons pas la vengeance, mais seulement que la vérité soit reconnue. Pour ma part, je m'attelle en ce moment à l'écriture d'un nouveau livre.

Références de l'article traduit : "Vingt ans après, un rescapé des camps témoigne", Le Courrier international, 16 avril 2012.

Références de l'article original : Erich Rathfelder, "Die Wahrheit muss ans Licht", Die Tageszeitung, 05.04.2012.



La vie à Omarska
(extraits de journaux télévisés - INA)




Omarska ou le manège de la mort

Source : "Omarska ou le manège de la mort", Etats d'urgence, 1er juin 1994, disponible sur le site de l'INA (Institut national de l'audiovisuel).

Présentation par l'INA : "Camp de détention serbe en Bosnie, découvert par la presse en été 1992 (Doc arch). Enquête sur les violences et les disparitions de prisonniers. Convoi de voitures au portail; détenus au pas de course; gardes armés; réfectoire surveillé par un soldat en arme; prisonniers émaciés; Intw de Nada Balaban, qui affirme qu'il s'agit d'un simple camp de transit. PE Préfabriqué à l'écart, lieu d'interrogatoire. Prisonniers torse nu derrière les grillages. - Munich1994: Prise de vue à la sauvette de Dusko Tadic, arrêté en février en Allemagne pour ses agissements à Omarska. Témoignage d'Emin Jakupovic, musulman de Bosnie, jeté dans une fosse d'huile de vidange avec des prisonniers à moitié mort, contraint de leur déchirer les testicules à coup de dents. Longue intw de Jadranka Cigelj, catholique croate de Bosnie, et de Nusreta Civac, musulmane bosniaque, qui reconnaissent les photos de tortionnaires d'Omarska. Elles invoquent les camps nazis, les tortures et le chargement de camions de cadavres à la pelleteuse, le maquillage sur les larmes pour que les geôliers ne sachent pas ce qu'elles avaient vu: le "manège de la mort". - Casinci (Croatie): Mme Cigelj rend visite au camp de réfugiés où séjournent les survivants du baraquement 72 d'Omarska, ils reconnaissent les photos des tortionnaires; Projection du reportage anglais sur le camp, vives réactions en entendant N Balaban parler de camp de transit, récits de massacres à l'appui. - Zenica (Bosnie Herzegovine): TVL petits commerces de rue, bâtiments délabrés, école; croyants en prière pour Gorazdé; jeunes gens. Amir Alihodzic reconnait lui aussi la photo de Tadic, énumère d'autres tortionnaires, son père a disparu après interrogatoire; récit d'interrogatoires à la "Maison blanche" du camp: expérimentations des productions de l'imagination malade de gens qui se conduisaient hier en voisins. Au Centre de Documentation sur les crimes commis en Bosnie, intw de Raguib Hadzic qui estime que Tadic n'est pas un criminel incontrôlé. Nusreta Civac et Jadranka Cigelj disent leur déception vis-à-vis des instances internationales qui ménagent Karadzic et Milosevic. Diffusion des portraits des personnes recherchées pour crimes à Omarska."






Camps yougoslaves

Source : "Camps yougoslaves", Midi 2, Antenne 2, 7 août 1992, disponible sur le site de l'INA (Institut national de l'audiovisuel).

Présentation par l'INA : "Des journalistes britanniques d'ITN ont pu filmer les camps de prisonniers serbes de Bosnie Herzégovine où sont détenus des civils croates et musulmans dans des conditions rappelant les camps de concentration de la dernière guerre mondiale. Reportage de Ian Williams. - CAMP DE TRNOPLJE : prisonniers aux corps décharnés derrière des barbelés, ext du camp. - CAMP D'OMARSKA : itw d'un détenu qui refuse de parler des conditions de détention. Visages prisonniers derrière barbelés. - TRAVEL ville aux maisons détruites. - Carte Yougoslavie avec emplacement des camps. - BT une du New York News Day titrant sur ces camps. - CAMP D'OMARSKA : détenus au pas de course, DP prisonniers, gardiens armés, miliciens serbes en tenue kaki armés, DP cantine, prisonniers mangeant sous la surveillance des miliciens. - Photos de corps amaigris et torturés. - Itw (couvert par commentaire) de RADOVAN KARADZIC (président de la Bosnie Herzégovine autoproclamée). - Plan d'une porte se refermant sur des prisonniers assis par terre. - CAMP DE BUTMIR : DP camp, ext bâtiment, visages prisonniers. Equipe télé d'ITN repartant. Prisonniers rentrant au pas de course."






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